jeudi 31 juillet 2008

Salad Bowl



























































Dans l'Etat du Nouveau Mexique, 42 % de la population est hispanophone. Aux Etats Unis, les hispaniques constituent la minorité la plus importante (12%). Mais une minorité pas comme les autres. Le très actif bureau de recensement prévoit, à côté des catégories "race" (afro-américan, asian, ...), la catégorie "hispanic", qui se superpose aux autres. Un black, comme un blanc ou un asiatique, peut ainsi se déclarer "hispanic".


La majorité des hispaniques sont mexicains (90%). Dans les Etats que nous avons traversés, Utah compris, la pression de l'immigration mexicaine se perçoit clairement. Les "petits boulots" dans les motels et restaurants sont occupés par eux. De même, dans les champs de la Salinas Valey (Camino Real), en Calfornie, les ouvriers et ouvrières agricoles paraissaient tous originaires du Mexique. Certains sont ici depuis toujours, comme Rocqué, né à Santa Fé; d'autres viennent d'arriver, comme cette jeune femme rencontrée dans une "Laundro-Mat" qui ne souhaitait pas révéler à un compatriote combien elle avait payé pour passer la frontière, ou encore cette doctoresse hondurienne, chargée de l'accueil dans un café, rentrée régulièrement il y a six mois aux USA pour y pratiquer son métier mais en attente de la reconnaissance de son diplôme.
La culture latino est une réalité aux USA. Les latinos parlent l'espagnol entre eux. Ils ont leurs journaux et leurs chaînes de télévision. Les uns visent une certaine éducation à la citoyenneté ("aux Etats Unis, il est interdit de rouler en voiture sans assurance; les conséquences d'une infraction peuvent être lourdes"), les autres apportent les nouvelles du pays, principalement les résultats de football et les faits-divers. Les expressions, nombreuses, de l'identité latino ne semblent pas déranger. C'est comme s'il n'existait aucun tension entre l'affirmation d'une identité culturelle autre et la citoyenneté américaine. Le Salad Bowl bien assimilé ! Cela me rappelle le constat, étonné, de Bernard Henri Levy (American vertigo) à propos de la situation de la communauté musulmane de Chicago après le 11 septembre: "aucune stigmatisation: ils sont Américains". Sans doute y a-t-il là une sorte d'effet miroir: la facilité avec laquelle les Américains acceptent les étrangers serait fonction de l'adhésion de ces derniers au modèle américain. L'American Dream comme matrice réunissant tout ceux qui, régulièrement ou non, sont parvenus à "rentrer".


Mais il me faut nuancer. Le débat sur l'anglais comme langue officielle ("English Only") témoigne de la diversité de la situation. De quoi s'agit-il ? Ni la Constitution ni aucune Loi ne reconnaît l'anglais comme langue officielle. Des panneaux routiers sont bilingues; certaines rues sont mentionnées comme "Calle"; des documents officiels sont rédigés en espagnol ou en chinois. Quelques politiques voudraient aujourd'hui imposer l'anglais comme langue officielle, c'est à dire comme seule et exclusive langue administrative. L'argument: l'anglais est un des fondements de notre société. Les discussions se poursuivent, au Congrès et dans les éditoriaux, mais les partisans du "English Only" semblent minoritaires. Sans rentrer dans le débat à proprement parler, le Sénateur Obama a récemment déclaré que la question n'était pas celle de l'apprentissage de l'anglais par les étrangers - "ils doivent le faire et ils le feront"- mais celle d'apprentissage de l'espagnol (il rectifiera par la suite en précisant qu'il visait une seconde langue) par les petits américains. Ce qui est marquant dans ces propos, ce n'est pas tellement le geste de séduction à l'adresse d'une communauté latino qu'il lui faut encore conquérir, mais davantage la possibilité pour lui de tenir pareils propos, dans ce contexte précis, avec la conviction que sa position peut être entendue et acceptée par tous ceux qui constituent le centre électoral.

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